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L’intelligence émotionnelle au service de l’expérience-employé : Comment l’IA complète-t-elle l’IE pour propulser l’expérience-employé ?

Par Gabriel Pouliot et Luc Lachapelle

Il fut un temps où l’on croyait que le succès d’une organisation reposait principalement sur l’intelligence rationnelle de ses leaders et de son personnel — intelligence mesurée par le quotient intellectuel (QI). Cependant, le monde des affaires a évolué pour mettre en lumière l’aspect multidimensionnel de l’intelligence humaine.

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Il fut un temps où l’on croyait que le succès d’une organisation reposait principalement sur l’intelligence rationnelle de ses leaders et de son personnel — intelligence mesurée par le quotient intellectuel (QI). Cependant, le monde des affaires a évolué pour mettre en lumière l’aspect multidimensionnel de l’intelligence humaine. Préconisant diverses formes d’intelligence, la théorie des intelligences multiples place l’intelligence émotionnelle (IE) en haut de sa liste. Mais voilà qu’à l’ère numérique, une nouvelle forme d’intelligence s’ajoute à cette liste : l’intelligence artificielle (IA). 

Dans un monde de plus en plus numérisé et accéléré, les organisations recherchent plus assidument des façons d’améliorer l’expérience-employé (EX). Ceci pour attirer, retenir et mobiliser les talents qui assureront la pérennité et la croissance organisationnelle. Bien que distinctes, l’IE et l’IA peuvent se compléter, voire se combiner de manière significative pour atteindre cet objectif.  

Explorons comment l’IE s’avère essentielle à une expérience-employé de qualité, puis comment l’IA peut la compléter pour créer un environnement de travail harmonieux, productif et à forte valeur ajoutée. 

L’intelligence émotionnelle et l’environnement de travail 

Popularisée par Daniel Goleman, l’IE se réfère à la capacité de reconnaître, de comprendre et de gérer ses émotions et celles des autres. Elle se décline en cinq principales composantes : 

  1. La conscience de soi : la capacité de reconnaître ses émotions et leurs effets 
  2. La maîtrise de soi : la capacité de contrôler ou de rediriger ses impulsions et ses humeurs perturbatrices 
  3. La motivation : la passion pour le travail qui dépasse l’argent ou du statut 
  4. L’empathie : la capacité de comprendre les émotions des autres 
  5. Les compétences sociales : la capacité de gérer les relations pour obtenir des résultats positifs 

On peut également mesurée l’IE pour obtenir son « quotient émotionnel » (QE). 

L’intelligence émotionnelle est-elle essentielle à une expérience-employé positive ? 

L’IE joue un rôle clé dans la création d’un environnement de travail positif. Plusieurs études démontrent le rôle majeur de l’IE dans la performance du personnel et des leaders au travail.  

Communication efficace 

Les leaders et les employé.es doté.es d’un QE élevé peuvent communiquer plus efficacement. Ces personnes peuvent exprimer leurs pensées et leurs émotions de façon claire et constructive, ce qui limite les malentendus et les conflits. Elles peuvent également mieux comprendre et communiquer leur ressenti et partager les émotions intenses qui pourraient enfreindre (ou aider !) une conversation constructive. On ne le dira jamais assez : une saine communication est essentielle pour favoriser la collaboration et la productivité au sein d’une équipe. 

Relations interpersonnelles positives 

L’IE permet de développer des relations interpersonnelles solides et positives. L’engagement et la motivation s’accroissent lorsque le personnel s’estime compris et apprécié. De plus, un QE élevé favorise un environnement de travail où règne un sentiment de soutien et de compréhension, ce qui peut réduire le stress et améliorer le bien-être général. 

Résolution de conflits 

Les conflits sont inévitables dans toute organisation. Une certaine dose de conflits et de désaccord peut même contribuer à la productivité, lorsque bien gérée ! Généralement, les personnes dotées d’un QE élevé sont mieux équipées pour gérer les conflits de manière constructive. Elles peuvent reconnaître et comprendre les émotions des parties impliquées et trouver des solutions qui en faciliteront la résolution positive.  

Gestion du stress 

Le stress est un facteur majeur qui peut affecter la satisfaction et la performance du personnel. L’IE aide à reconnaître les signes de stress et à utiliser des techniques de gestion efficaces, tant pour la personne que pour les autres. Les leaders au QE élevé peuvent mieux soutenir leurs équipes en périodes de stress et accueillir leur vécu, créant ainsi un environnement de travail plus résilient. 

L’intelligence artificielle et ses limites naturelles 

Compréhension des émotions humaines 

Si l’IA a fait des progrès significatifs dans plusieurs domaines, elle s’avère limitée lorsqu’il s’agit de comprendre et de gérer les émotions humaines. Les algorithmes d’IA peuvent analyser des données et identifier des modèles, mais ne peuvent ressentir ou comprendre les émotions comme les êtres humains. Cette limitation signifie que l’IA ne peut remplacer l’IE dans les interactions humaines. Si l’IA donne l’impression qu’elle peut (ou pourra bientôt) comprendre et ressentir les émotions humaines, nous sommes encore bien loin de là. 

Personnalisation et empathie 

L’IA peut fournir des solutions personnalisées basées sur des données. Cependant, la capacité d’empathie, essentielle aux interactions humaines positives, reste impossible. Par exemple, l’IA peut recommander des interventions basées sur des analyses de données, mais ne peut offrir le soutien émotionnel qu’exigent les interventions empathiques. Les recommandations de l’IA devront toujours être appliquées par un être humain qui y ajoutera sa touche et sa chaleur personnelles et exécutera les recommandations à sa façon. 

Jugement contextuel 

L’IA peut avoir du mal à comprendre le contexte complexe des interactions humaines. Par exemple, des facteurs contextuels qui n’apparaissent pas dans les données peuvent influencer les émotions et les comportements humains. L’IE permet aux humains de comprendre et de réagir à ces nuances contextuelles — ce que l’IA ne peut pas faire. 

L’IE et l’IA en complément 

La théorie des intelligences multiples précise que chaque type d’intelligence bonifie les autres. Plus une personne est « compétente » sur diverses dimensions de l’intelligence, plus on perçoit son intelligence globale comme élevée. Pourquoi alors ne pas utiliser l’IA pour aller encore plus loin ? 

Automatisation des tâches répétitives 

L’IA excelle dans l’automatisation des tâches répétitives et routinières, libérant du temps pour effectuer des tâches à plus forte valeur ajoutée. Par exemple, les agents conversationnels (chatbots) peuvent gérer les demandes de soutien de base, permettant aux équipes de se concentrer sur des problèmes plus complexes. Automatiser le traitement de données ou des parties de processus d’affaires libère aussi du temps. 

Analyses de données et prises de décision 

L’IA peut analyser de vastes quantités de données pour identifier des tendances et des modèles. Ces analyses peuvent aider les leaders à prendre des décisions informées, basées sur des données concrètes. Par exemple, l’IA peut analyser les enquêtes de satisfaction du personnel pour identifier les domaines à améliorer, laissant l’IE juger et mener les actions d’amélioration requises. 

Amélioration de l’expérience-employé 

L’IA peut compléter l’IE en fournissant des outils et des informations permettant d’améliorer l’expérience-employé. Par exemple, des plateformes d’IA peuvent capter en temps réel des indicateurs de bien-être et signaler les signes de stress ou de démotivation des membres du personnel. Les leaders peuvent ensuite utiliser leur IE pour intervenir de manière appropriée et empathique. 

Formation et développement des compétences 

On peut utiliser l’IA pour personnaliser les programmes de formation et de développement selon les besoins individuels des employé.es. Par exemple, des algorithmes d’apprentissage automatique peuvent analyser les performances et recommander des formations spécifiques pour combler les lacunes en compétences. Les leaders peuvent ensuite utiliser leur IE pour encadrer et soutenir chaque membre de leurs équipes tout au long de leur parcours de développement. 

Cas d’application : combiner IA, IE et EX 

Voici trois cas concrets (anonymisés) où combiner l’IA et IE a contribué à créer un environnement de travail plus harmonieux, productif et à forte valeur ajoutée. 

Une réponse à la pénurie de main-d’œuvre 

Entreprise manufacturière de la région de Montréal en forte croissance 

L’entreprise est aux prises avec des enjeux de traitement de comptes à payer, car les deux ressources en place ne suffisent pas à traiter les milliers de factures reçues mensuellement. Malgré plusieurs affichages de postes et des conditions de travail fort avantageuses, aucun renfort n’arrive. Les retards de traitement s’accumulent, les pénalités pullulent. Les heures supplémentaires sont monnaie courante, les ressources s’épuisent et la tension monte.  

Le diagnostic indique clairement un processus optimal, mais la saisie des données comptables dans le progiciel de gestion intégrée des ressources financières et matérielles (ERP) est très lourde. Les obligations de traçabilité de l’entreprise et le large éventail de prestataires et de produits dans sa chaîne d’assemblage limitent l’allégement du processus de paiement des factures. Il convient de regarder hors du cadre de référence habituel. Les spécialistes se tournent alors vers une des sphères de l’IA : l’automatisation des processus par la robotique logicielle (RPA – Robot Process Automation). 

S’en suit un projet d’une durée d’une douzaine de semaines sur le plan technique et de quelques mois sur le plan humain. 

Dorénavant, on reçoit toutes les factures par courriel, à une seule adresse, en format PDF. Le robot développé sauvegarde chacune des factures (et le courriel), en reconnaît les données (factures différentes pour chaque prestataire), inscrit ces données dans le progiciel ERP. Puis, suivant des tests et des suivis rigoureux réduisant substantiellement le taux d’erreur, la validation humaine se limite à un échantillonnage incluant une sélection aléatoire et de nouveaux comptes fournisseurs ou de nouveaux produits ou services.  

Graduellement, les heures supplémentaires s’effritent, les ressources s’épanouissent, la tension disparait, le climat s’assainit. Les économies de temps font place aux moments de collaboration et de gestion des relations avec les fournisseurs. Après quelques mois, les personnes responsables des comptes fournisseurs ont appris à travailler en mode valeur ajoutée. En conscience et en maîtrise d’elles-mêmes, elles ont renoué avec une saine motivation et s’accomplissent davantage professionnellement. 

Un outil d’aide à la décision pour optimiser les tâches et la gestion de la charge de travail 

Une grande entreprise française de vente au détail dans des magasins de grande surface comptant des dizaines de milliers d’employé.es 

La vente au détail est un secteur d’activités constamment soumis à de nombreux facteurs externes qui viennent moduler les efforts exigés pour la livraison des services attendus et des volumes appropriés. Des facteurs externes comme la période de l’année, le climat, les jours fériés, les travaux routiers, les événements culturels de proximité, l’actualité ou le climat économique influenceront l’achalandage et la consommation. La prévision des besoins en main-d’œuvre devient un art où se côtoient intuition et marge d’erreur. Cette prévision des besoins en main-d’œuvre est assurée par ceux qu’il convient de nommer « les planificateurs ».  Les planificateurs de grands talents sont en nombre insuffisant et leur apport est ainsi d’autant plus critique. Anticiper le plus clairement possible est essentiel car en cas d’erreur, un surplus de personnel engendrera des coûts d’exploitation disproportionnés, alors qu’un manque affectera la qualité de l’expérience-client et pourra également affecter la rentabilité. Mieux vaut viser juste.  

Pour sécuriser ses opérations et faciliter la croissance de son volume d’affaires, l’entreprise se dote d’un outil exploitant l’IA qui identifiera les besoins en main-d’œuvre à l’aide d’algorithmes complexes et multifactoriels en exploitant des données de diverses sources. Une fois les prévisions établies avec une marge d’erreur affichée, l’outil émet une ou plusieurs hypothèses d’affectation et génère les horaires de travail respectant les conditions et les conventions qui prévalent.  

Le projet a exigé plusieurs mois de travail, d’importants investissements — tant en IA que dans le système intégré de gestion des ressources humaines (SIRH) — et d’importants efforts en gestion du changement. Mais les gains ont largement dépassé les efforts et le besoin de ressources pour planifier a fondu comme neige au soleil — tout comme l’écart entre l’estimation du besoin de main-d’œuvre et le besoin réel. Et c’est l’expérience-employé du plus grand nombre qui en a bénéficié car le taux d’occupation des ressources s’est rééquilibré. Les expériences antérieures avaient clairement démontré que les ressources sur ou sous utilisées étaient plus susceptibles d’avoir à composer avec un climat de travail tendu ou malsain, alors qu’un taux d’occupation plus optimal contribuait à un climat plus harmonieux. Également, une meilleure planification des besoins en effectifs a permis de réduire substantiellement le nombre de changement de dernière minute à l’horaire, favorisant ainsi un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et personnelle des employés.  

Une analyse de données en soutien à une gestion intégrée du capital humain 

Un grand transporteur aérien nord-américain principalement actif aux États-Unis 

Puisqu’il est aujourd’hui largement reconnu que la gestion du capital humain est la gestion de l’actif organisationnel le plus important et qu’elle se doit d’être optimale, les éditeurs logiciels de SIRH ont tous, sans exception, pris le virage de l’analytique RH. Les échos de ce qui se passe sur le terrain, de ce que vivent et disent les employés constituent des informations précieuses pour orienter des décisions dont les impacts peuvent être importants. Qu’il s’agisse des perceptions concernant des projets spécifiques, du pouls des employés syndiqués durant des négociations de conventions collectives, de la compréhension des enjeux et des objectifs visés par une réorganisation, la connaissance des perceptions et préoccupations permet souvent d’orienter la suite des choses.

 « L’analytique RH consiste en la collecte, l’analyse et la communication des données relatives à la gestion des ressources humaines. Il s’agit d’une méthode permettant de mieux comprendre les personnes au sein d’une organisation et les performances de l’équipe des ressources humaines. L’analyse de ces données peut être d’une aide précieuse pour donner à une organisation la bonne direction à suivre pour maximiser la masse salariale, les avantages sociaux, sa capacité à embaucher ou la rétention de son personnel et bien plus encore. […] On considère l’analyse des RH comme une identification et une analyse systématique des motivations humaines à la source de tout résultat commercial donné. »  Source : HR Analytics: Definition, Best Practices & Examples, Forbes.

Pour une entreprise opérant dans un secteur encombré comme le transport aérien, la capacité à embaucher ou à garder son personnel s’avère critique. Chaque point de pourcentage en plus pour le taux de roulement du personnel engendre instabilité et frais supplémentaires. Conséquemment, il faut prendre régulièrement le pouls de son personnel pour parer aux coups — et aux coûts. Connaître l’état de la perception de la relation entre le personnel et l’organisation et pouvoir ajuster certains éléments se veut une approche prudente et responsable. Le sondage de mobilisation du personnel est un outil de plus en plus utilisé et apprécié dans la mesure où il est bien fait et bien administré. Encore faut-il investir temps et efforts pour compiler et analyser toutes les données recueillies, en plus d’y donner suite.  

L’entreprise menait régulièrement des sondages de mobilisation du personnel pour évaluer leur satisfaction et identifier les points d’amélioration. Cependant, ces sondages devenaient très difficiles à analyser, vu la quantité de données générées. L’entreprise décide alors de recourir à l’IA pour analyser les résultats des sondages de l’organisation. L’IA a permis d’accélérer les analyses, d’identifier des thématiques chères au personnel, puis de réaliser des sommaires, des résultats et des commentaires. De plus, l’IA a permis d’établir des comparatifs entre les diverses équipes afin d’identifier celles plus avancées sur certains aspects. Elle a permis d’ouvrir les discussions sur les façons de partager les bons coups de chaque personne au bénéfice de toutes et de renforcer les pratiques de reconnaissance pour le personnel. Les analyses avancées ont surtout généré de précieuses informations permettant aux gestionnaires et aux leaders d’exercer leur jugement et leurs habiletés relationnelles pour offrir un soutien adapté à leurs équipes. 

Conclusion 

L’IE et l’IA constituent deux forces complémentaires qui, lorsqu’utilisées conjointement, peuvent significativement améliorer l’expérience-employé. Avec ses capacités à comprendre et à gérer les émotions, l’IE crée un environnement de travail harmonieux et propice au bien-être du personnel. Parallèlement, la puissance d’analyse et d’automatisation de l’IA permet d’optimiser les processus libérant du temps pour les tâches à plus forte valeur ajoutée. 

Les trois cas d’application ci-dessus illustrent parfaitement cette synergie. Les organisations qui intègrent des solutions d’IA pour automatiser les tâches répétitives et analyser les données et qui misent sur les compétences en IE de leur personnel disposent de nouveaux leviers. Ces derniers leur permettent d’améliorer la qualité de leurs services, de mobiliser leur personnel et de les satisfaire au même titre que leur clientèle et leurs partenaires d’affaires. 

À l’avenir, les organisations qui sauront profiter de la complémentarité entre l’IE et l’IA seront mieux positionnées pour attirer et retenir les talents, tout en créant un environnement de travail résilient et engageant. In fine, cette alliance entre l’humain et la machine propulsera l’expérience-employé vers de nouveaux sommets. 

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