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Gestion du changement : Bien distinguer accélération et optimisation des dynamiques
Par Olivier Guérin
L’accélération constante des technologies, notamment celles que nous utilisons dans notre quotidien (téléphones intelligents, tablettes et ordinateurs dopés à l’intelligence artificielle), amplifie un biais cognitif que j’ai nommé le « biais App ». Ce biais, directement inspiré des applications que nous utilisons fréquemment, crée une attente irréaliste : « Tout, tout de suite ».

Accélération, accélération… attention !
L’accélération constante des technologies, notamment celles que nous utilisons dans notre quotidien (téléphones intelligents, tablettes et ordinateurs dopés à l’intelligence artificielle), amplifie un biais cognitif que j’ai nommé le « biais App ». Ce biais, directement inspiré des applications que nous utilisons fréquemment, crée une attente irréaliste : « Tout, tout de suite ».
Ce biais App a des répercussions notables dans les organisations. Ces méta-systèmes organiques, qui reposent sur des dynamiques humaines et opérationnelles, sont souvent relégués au second plan au profit de l’attrait rapide et visuel des nouvelles technologies, outils et processus.
Bien sûr, toute organisation doit répondre à des impératifs de performance – productivité, rentabilité, qualité de service. Ces objectifs nécessitent des ajustements rapides dans un contexte où les marchés sont de plus en plus volatils. La récente dynamique économique entre les États-Unis et le Canada en est une illustration frappante.
Transformation numérique : un changement de culture, pas seulement de technologie
Pour répondre à ces enjeux d’adaptabilité et d’accélération, l’Agilité s’est imposée comme une solution prometteuse permettant d’atteindre des résultats rapidement.
Cependant, intégrer l’Agilité – ou tout autre mode opératoire impliquant une transformation organisationnelle – ne se limite pas à l’introduction de nouveaux outils ou processus. Cela implique un changement bien plus large : une transformation profonde des états d’esprit, des comportements et, ultimement, de la culture organisationnelle.
Ce type de transformation ne peut être compressé dans le temps. D’après des observations empiriques, il faut compter entre 3 à 5 ans pour qu’une organisation intègre réellement ces changements. Et bien que ce délai puisse sembler interminable pour certains dirigeants, il est essentiel de comprendre qu’un changement culturel ne se fait pas du jour au lendemain.
Heureusement, des résultats positifs et des améliorations significatives peuvent être observés tout au long de ce processus. Ces transformations doivent être envisagées comme un entraînement progressif : au départ, les résultats sont peu visibles, mais avec constance et régularité, les effets deviennent palpables et les bienfaits durables.
L’intégration des changements : entre patience et constance
Si l’adoption de nouveaux outils et processus peut s’opérer relativement rapidement, l’intégration de nouveaux comportements, attitudes et états d’esprit est un défi bien plus complexe. Elle exige un temps incompressible.
Cette nécessité de temps est pourtant de plus en plus difficile à accepter, en grande partie à cause du biais App. Habitués à obtenir tout ce que nous voulons en quelques clics – grâce à des services comme Amazon, qui ont redéfini les standards de rapidité – nous avons tendance à sous-estimer le temps requis pour des changements profonds et durables.
Une métaphore bouddhiste illustre bien cette réalité : pour qu’une plante pousse, il vaut mieux l’arroser un peu chaque jour que de lui verser une grande quantité d’eau de manière sporadique. Dans le contexte organisationnel, cela signifie que les changements doivent être nourris de manière régulière et progressive, en respectant le temps nécessaire à leur intégration. Tenter de précipiter ce processus – ou de « tirer sur la tige » – ne fera que nuire à la plante… et au changement.
La technologie, bien qu’elle puisse faciliter certains aspects logistiques, ne peut remplacer le temps et l’effort nécessaires à l’intégration de nouveaux comportements et à l’évolution des mentalités.
Optimiser sans comprimer : simplifier la complexité du changement
Pour relever le défi d’un temps incompressible, il est crucial de simplifier la complexité de la gestion du changement. Cela permet de mieux anticiper, d’accompagner et, ultimement, d’amplifier les résultats des transitions organisationnelles.
Des modèles de gestion du changement existent et, parmi eux, certains sont devenus des références incontournables. Notre organisation a développé son propre cadre, fondé sur des observations empiriques et des retours d’expérience auprès de centaines d’organisations.
Voici une version macro et synthétique de ce modèle : le Modèle des 3A.
1. Anticiper
- Réaliser une analyse-diagnostic complète de l’écosystème et des dynamiques en place.
- Identifier la raison d’être du projet, ses impacts, les parties prenantes, ainsi que les risques et angles morts susceptibles de compromettre l’initiative.
- Mettre en place une gouvernance matricielle de gestion du changement adaptée aux valeurs et à la culture de l’organisation.
2. Accompagner
- Élaborer une stratégie d’accompagnement claire, incluant un plan de communication et de formation.
- Mobiliser et engager les parties prenantes en leur permettant de comprendre et d’adhérer pleinement aux changements.
3. Amplifier
- Renforcer l’adoption des changements en favorisant l’amélioration continue et l’autonomisation des équipes.
- Développer les compétences nécessaires pour intégrer de façon durable les nouvelles dynamiques et modes opératoires.

L’importance d’anticiper pour réussir La phase d’anticipation est particulièrement déterminante. De nombreux projets échouent, non pas faute d’accompagnement, mais parce qu’ils n’ont pas été suffisamment bien préparés en amont. Un projet mal anticipé peut entraîner des dépassements financiers importants et provoquer des résistances humaines durables, laissant des marques profondes dans l’organisation. Ces résistances freinent souvent toute nouvelle initiative similaire, compromettant les ambitions futures. Les grandes organisations – qu’elles soient publiques ou privées – reconnaissent aujourd’hui que la gestion du changement est un facteur clé de succès incontournable pour tout projet d’envergure.
Conclusion : ralentir pour accélérer durablement
L’accélération technologique omniprésente influence nos attentes et notre perception du temps. Nous devons toutefois rester vigilants face à cette tendance à vouloir tout raccourcir, y compris les transformations complexes. Dans le cadre d’une transformation numérique, la gestion du changement dépasse largement l’introduction de nouvelles technologies. Elle touche aux comportements, aux valeurs et à la culture organisationnelle. Ces éléments nécessitent un temps optimisable, mais incompressible, pour que les nouveaux réflexes et attitudes soient pleinement intégrés et produisent les résultats attendus.
En anticipant, en accompagnant et en amplifiant les dynamiques, les organisations peuvent réussir leurs transformations tout en construisant une base solide pour des résultats d’affaires durables.
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